Par nature, les relations entre la ville de Paris et les communes limitrophes sont déséquilibrées, en raison de l'écart de taille, de population, de budget, et du fait que Paris est la ville capitale. La couleur politique de la majorité municipale de Paris, droite ou gauche, n'y change rien.
Toutefois, l'actuel maire de Paris dit avoir évolué en la matière, en multipliant la signature de "protocoles de coopération" avec les collectivités de petite couronne, Ivry en particulier (voir la délibération municipale du 23 février 2006, le texte du protocole et la rubrique Actualités du site internet de la ville).
Mais cet engagement de Bertrand Delanoë est-il sincère, ou bien ne sert-il qu'à masquer le fait que les décisions que prend la ville de Paris ont, en réalité, des conséquences négatives pour les populations qui habitent autour de Paris ?
Cette politique nouvelle de "partenariat" de la ville de Paris avec des collectivités limitrophes est très récente, puisqu'elle remonte officiellement à fin 2005 - début 2006. Le site de la ville de Paris comporte une rubrique sur ce sujet (voir la page de cette rubrique), mais elle n'est pas très fournie ni très à jour (voir la page sur le protocole avec Ivry). Cette mission a été confiée à Pierre Mansat, adjoint communiste au maire de Paris (voir sa fiche).
Lors de la présentation de ce protocole au conseil municipal d'Ivry de février 2006, nous avons souligné que l'intention de coopération de la part de Paris était une nouveauté très positive, mais que cette coopération risquait de manquer de substance, car la majorité parisienne avait déjà lancé ses projets les plus importants, par exemple le tramway, le grand projet de rénovation urbaine Bédier (porte d'Ivry), le développement de la ZAC Rive gauche, et ses politiques les plus emblématiques, par exemple en matière de circulation et de stationnement. Dans ces conditions, quels sont les projets sur lesquels il est encore possible de coopérer ? Nous avons fait part de notre crainte que ce protocole ne reste qu'un voeu pieux, sans réalisations concrètes car tout a déjà été décidé.
En effet, force est de constater que les projets de Paris ont tous été lancés sans réelle concertation avec les élus et les habitants des communes limitrophes, et ces projets ne sont pas sans nuisances ni effets pervers pour la population d'Ivry, en particulier dans les quartiers riverains de Paris.
- Le tramway des maréchaux :
La décision de remplacer, en partie, la ligne de bus en site propre de la petite ceinture par un tramway, si elle a beaucoup fait parler dans les médias, n'a pas fait l'objet d'une concertation préalable ou d'une réflexion collégiale avec les communes limitrophes, élus comme population, alors qu'elle avait nécessairement des conséquences pour elles. La ville d'Ivry, comme les autres communes limitrophes, a été mise devant le fait accompli, alors que sa population est au moins autant concernée que la population parisienne ! Les problèmes de circulation pour accéder dans Paris, et donc la pollution, ont été maximum pendant les travaux de création du tramway, au niveau des portes d'Ivry et de Choisy, s'ajoutant aux encombrements de l'accès au périphérique porte d'Ivry. Si la situation s'est améliorée désormais, heureusement, elle n'est pas satisfaisante tous les jours en termes de circulation, même si les usagers du tramway peuvent voyager dans de bonnes conditions (mais au prix qu'a coûté le tramway au contribuable, ces conditions de transport sont-elles meilleures qu'à l'époque de la ligne de bus PC ?).
- Le projet de rénovation urbaine Bédier et le réaménagement de la porte d'Ivry :
La ville de Paris a lancé ce projet de réaménagement du quartier de la porte d'Ivry, côté Paris (c'est le qu'on appelle le "grand projet de rénovation urbaine Bédier-Boutroux", mais la page du site internet de la ville de Paris sur ce sujet est en cours de construction...), alors que simultanément la ville d'Ivry, avec le département du Val-de-Marne, lançait des études sur la réaménagement du même secteur, côté Ivry. La moindre des choses aurait été de coordonner les deux projets, et en particulier d'agir pour les problèmes de flux de circulation, automobiles comme piétons, entre Paris et Ivry, sur la question de la couverture du périphérique, ou sur la "continuité urbaine" entre les deux villes par exemple. Apparemment, la ville de Paris n'était pas intéressée de travailler avec Ivry, quand bien même Pierre Gosnat, maire d'Ivry, dit partout que Serge Blisko, maire du 13ème, est son grand ami...
- L'avenir de l'usine d'incinération d'Ivry :
L'usine d'Ivry incinère 700 000 tonnes d'ordures ménagères par an, sans compter le centre de tri et la déchetterie. Une très grande partie de ces ordures provient de la ville de Paris. Aujourd'hui, la question de l'avenir de cette usine est posée, alors que les Ivryens ont dû accepter pendant des décennies sa présence et ses pollutions, sans aucune contrepartie. Aujourd'hui, le syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères (SYCTOM), qui utilise l'usine et qui est présidé par François Dagnaud, adjoint au maire de Paris, trouverait beaucoup plus simple que cette usine, certes améliorée, reste à Ivry. Pour cela, que nous propose en échange la ville de Paris, premier "producteur" d'ordures ménagères ?
- La ZAC Rive gauche et le développement d'Ivry-Port :
La ZAC Rive gauche contribue beaucoup au développement urbain et économique de l'est parisien. De son côté, la ville d'Ivry a cédé ses terrains du quartier nord d'Ivry-Port pour construire des grands commerces et des bureaux. Aujourd'hui, on s'aperçoit de l'utilité de coordonner les projets de Paris et d'Ivry. Dommage de ne pas s'en être rendu compte plus tôt...
- Les conséquences de la politique parisienne de circulation et de stationnement :
On connaît la politique de la ville de Paris en matière de circulation et de stationnement, politique qui devrait être amplifiée après le vote, au Conseil de Paris, du "Plan de déplacements de Paris" : réduction de la place de la voiture au profit des transports publics et piétons, donc réduction des places de stationnement et multiplication des obstacles à la circulation automobile. On peut être d'accord ou pas avec ces objectifs, mais le fait est qu'à Ivry nous en subissons de plein fouet les conséquences : report des flux de circulation, embouteillages plus importants, report du stationnement (en raison aussi de l'absence de stationnement payant à Ivry dans les quartiers proches de Paris...), slalom pour les piétons pour aller d'Ivry à Paris, sans compter la mise en sens interdit de la rue de Patay (sans aucune concertation)... Le Plan de déplacements de Paris a beau dire qu'il doit contribuer à "une vision d'ensemble des déplacements dans l'agglomération", force est de constater que la situation quotidienne des Franciliens, qu'ils prennent la voiture ou les transports en commune, n'est guère prise en compte.
On pourrait trouver encore d'autres exemples des effets négatifs des décisions parisiennes, ou de l'absence de coordination avec les communes limitrophes, sur la population ivryenne. Et l'honnêteté commande de reconnaître que c'était déjà le cas sous l'ancienne majorité parisienne. La différence, c'est que cette ancienne majorité ne se vantait pas de faire de la concertation avec les communes de la petite couronne ! Avec Bertrand Delanoë, il y a loin des discours aux actes dans ce domaine.
Dans ces conditions, bien sûr on ne peut que souscrire aux intentions du protocole de coopération entre Paris et Ivry, mais ce protocole arrive bien tard... A quoi peut-il encore servir ?
Alors que la question de la "gouvernance" de l'agglomération parisienne se pose de plus en plus, en termes de transports, de logement ou de développement économique, il n'est plus possible que la ville de Paris impose unilatéralement ses choix aux autres communes, et surtout aux habitants de la banlieue, qui n'ont pas le droit de vote à Paris. C'est un des enjeux des élections locales de 2008 : trouver une solution à ce problème, proposer un nouveau statut pour les relations entre Paris, petite couronne et grande couronne, dans l'intérêt de tous les habitants de la région parisienne.
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